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Parallèle

Grand rassemblement. Une grande salle, une petite estrade, deux étages de gradins. Des lycéens, des étudiants, des familles, des parents, des frères et sœurs, des garçons, des filles, des enfants, des adultes, des adolescents, des représentants de l'éducation, des professeurs, des cadres d'entreprises, des recteurs des académies et des directeurs d'établissements scolaires. Une femme, blonde, mince, jeune, en tailleur bleu marine, en escarpins, importante, responsable, représentante, avec ses affaires, son sac à main, son ordinateur, ses sacs noirs, remplis, débordants de paperasse, son manteau, malgré le temps radieux à l'extérieur. Ma famille dans les gradins de l'étage, avec les autres familles et les dirigeants. Je n'ai qu'à me retourner et lever un peu la tête pour les voir. Mes petits frères me font des signes, j'aperçois leur sourire. Ma mère les regarde, me regarde, elle est heureuse, mon père aussi. De l'effervescence, une aura de joie, des éclats de rires, des gens qui parlent, qui profitent de la vie, qui regardent dehors par les longues baies vitrées tout au fond de la salle. Puis une entracte, une pause, des gens qui sortent, qui vont aux toilettes, qui vont fumer leur cigarette, ou qui partent, qui n'assisterons pas à la deuxième partie du spectacle/conférence. Des jeunes, des collégiens qui vont faire les rebelles, débarrassés de la surveillance de leurs professeurs l'espace de quelques minutes.

Moi dans les gradins du bas, ces gradins rouges, ou plutôt, ces sièges, ces beaux sièges rouges, de salle de théâtre, que j'aime tant côtoyer. Je suis ici depuis le début, avec mes amis, avec des personnes de ma classe. Devant, des personnes du lycée que je ne connais pas. Derrière, certains que je connais, qui me connaissent, mais avec qui je n'ai jamais vraiment parlé. Des visages que je vois tous les jours, que je croise si souvent. Et à côté de moi, mes amies, les vraies, les plus proches, ma deuxième famille. Pour l'entracte, nous restons dans la salle, moi et elles, comme toutes les personnes de notre rangée. Derrière et devant, la plupart sortent, ce sont des fumeurs. La femme dans les gradins du haut, elle commence à s'inquiéter, elle se lève, réajuste sa veste de tailleur. Beaucoup de personnes sont sorties, elle fait de même, elle suit le mouvement, elle regarde un peu partout, l'air stressé, elle part en oubliant son sac de sport noir.

Je la regarde. Je panique, je comprends. Je pousse mes amis, je veux qu'ils sortent, qu'elles sortent, qu'elles courent le plus loin possible. Mais je sais que c'est déjà trop tard. J'essaie de crier, je leur dit de se mettre à terre, de se recroqueviller au sol, entre ces rangées de sièges rouges.

Baissez-vous.

Sifflement dans ma tête. Des corps morts et ensanglantés devant les sièges, sur l'estrade, quatre rangées devant moi. Mes amis, blessés mais vivants, je les ai protégés. Je pense à celui que j'aime. Je veux courir vers ma famille dans les gradins du haut à côté de la bombe explosée. Je pleure. Je suis debout, je n'ai aucune douleur physique, mais je vais mal. Je bouge, les autres se relèvent, couverts de sang. Panique monstre dans l'air, des cris, des pleurs, des morts, du sang, des tâches de sang se mêlant au rouge des sièges. Ils cherchent l'origine de l'attentat. Je dis que c'est la femme blonde, son sac de sport. Certains ont l'air de m'entendre, mais sans vraiment écouter, je n'ai pas l'impression qu'ils comprennent.

Je monte, je pleure, j'évite les corps à mes pieds. Parfois des visages familiers. Je pleure, je monte les marches, je regarde vers le haut, je cherche mes trois petits frères. Je cherche Raphaël, je cherche Antoine, je cherche Tom, et je cherche Maman. « Les petits, ils sont où ? » « Là-bas, ils vont bien, blessés mais là. »

Je les vois, je les prends dans mes bras, je les serre fort. Ils sont tâchés de sang. Mais ils sont

vivants. Ils sont dans mes bras. Je pleure.

Je me réveille.

Et je pleure encore.

 

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