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Etranges Lectures

18h20 : Très bien installée dans un siège semblable à ceux des cinémas, j'observe l'assemblée. La plupart des personnes ont le triple de mon âge, et un large sourire. Habitués, ils sont déjà heureux, satisfait du moment à venir, ils n'ont plus le temps de le perdre. Je me plais d'être spectatrice de ces personnes qui ont beaucoup vécu et qui ne sont qu'heureux, profitant du moment présent.

Puis, j'échange avec ma voisine de siège, quelques mots sans fond appréciant ainsi le plaisir des choses simples et superficielles, le temps de quelques minutes, comme pour laisser le cerveau de côté, me préparant donc à ressentir la lecture.

18h30 : Le Directeur de la Médiathèque Pierre Fanlac, prend la parole à l'aide d'un micro. Il est sur la scène et comme à chaque fois, sa voix tremble un peu, il n'est pas à l'aise lorsque la lumière le pointe du doigt. Je pense qu'il préfère la quiétude des étalages de livres et la sureté de son bureau. Il nous remercie de notre visite et nous demande d'éteindre nos portables pour ensuite finir en présentant Monsieur Pierre LEGLISE-COSTA historien d'Art et linguiste (pour ne citer que). Bien entendu, il est spécialiste de la langue Portugaise étant donné que le livre que nous allons découvrir est un livre ... portugais ! Bravo cher lecteur, tu suis. Monsieur LEGLISE-COSTA s'excuse, il est enrhumé et parle du nez. Il me semble un peu pudique, du moins

face à la possibilité d’éternuer sur la scène, devant nous, de nous incommoder avec ses bactéries. C’est attendrissant, même pour un homme d’un âge avancé. Son petit accent nous invite au voyage. C’est avec plaisir que je prend un billet pour le pays du saudade.

Avant chaque lecture, un spécialiste et si possible natif du pays du mois, le présente autant géographiquement, qu'historiquement que culturellement, ainsi que l'histoire de l'auteur, et son œuvre qui sera ensuite lu pas un-e comédien-ne.

19h? Peut-être, je ne sais pas, j'ai éteint mon portable.

Emilie ESQUERRE monte sur scène, sa tenue est simple, sans chichi, sans pompon, je la trouve magnifique. Une pincée de gentillesse et de malice font briller son regard. Elle commence la lecture de "Le fils de mille hommes" de Valter Hugo Mâe et traduit par Danielle SCHRAMM.

"Un homme arriva à l'âge de quarante ans et assuma la tristesse de ne pas avoir d'enfant. Il s'appelait Crisòstomo. Il était seul, il n'avait pas eu de chance en amour et il avait le sentiment qu'il lui manquait la moitié de tout, comme s'il n'avait eu que la moitié des yeux, la moitié du cœur et la moitié des jambes, la moitié de la maison et des couverts, la moitié des jours, la moitié des mots pour pouvoir s'expliquer auprès des gens [...]"

La voix de Madame ESQUERRE est douce, elle prend le temps pour chaque mot.

J'ai des frissons.

J'ai des frissons et le temps s'arrête. Telle une enchanteresse, sa voix est magique. Les phrases de l’auteur sont des incantations. La comédienne m'embarque dans l'histoire quelle

lie. J’ai de la peine pour Crisòstomo, j’ai envie de le prendre dans mes bras, de le rassurer et de l’aider à trouver sa famille à lui. J’ai envie de l’aider à être un tout, et même à être plus qu’un tout, plus qu’un, plus qu’un homme.

Attristée, j’ai eu envie de crier à gorge déployée à quel point les villageois étaient injuste avec « la naine », je voulais les arrêter. Arrêter cette méchanceté face à la différence, arrêter ces commérages, et ces avis qu’ils pensaient d’esprit.

J’ai souhaité devenir la grande sœur d’Isaora pour que ce jour là sa mère ne trouve pas sous sa jupe des petits piquants venant du sol. J’ai souhaité être sa grande sœur pour lui épargner la sottise d’un garçon bien trop sot et odieux pour se rendre compte que sa promise était un trésor. J’ai souhaité pouvoir conseiller cette jeune femme que ses parents ont éloignée du vrai monde, j’ai souhaité qu’on m’offre l’opportunité de la guider, ou d’au moins pouvoir lui sécher ses larmes et l’empêcher de se laisser sombrer.

Je voulais aussi exister dans cette histoire pour sauver ces deux petits garçons qui n’ont rien demandé. Comme une petite cigogne les prenant précautionneusement sous mes ailes. Je voulais les nourrir d’amour, les remplir d’amour, les couvrir d’amour pour réparer la blessure du manque d’amour de leur parents.

Seulement, les mots de l’auteur, les incantations de l’auteur, exprimés avec la voix de la comédienne pour ne pas dire prêtresse n’étaient pas assez puissant pour que je puisse passer la frontière entre spectatrice et actrice. Ils étaient, en revanche, assez vigoureux pour m’embarquer dans cette histoires de vie, d’amour où le chagrin et la souffrance

s’essoufflent pour laisser place au bonheur de se laisser offrir une famille par le destin.

Jamais, je ne pourrai changer cette histoire, aider, défendre, rassurer, adopter, combattre l’injustice et la méchanceté et aimer. Et tant-mieux, car si j’avais pu faire ce que j’ai tant souhaité pendant cette lecture, alors Crisòstomo n’aurai jamais eu sa famille.

P.S : Je ne t’ai pas spoiler, cher lecteur, Emilie ESQUERRE n’a lu que des extraits du livre quelle avait choisit. Si toi aussi, tu aimerai pouvoir t’embarquer dans cette histoire, je t’invite à lire cette ouvrage « Le fils de mille homme » de Valter Hugo Mae.

 

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