Don't foget me
J'ouvre les yeux. Je vois le plafond blanc. Je cligne des paupières, je bouge mes yeux. Toujours le plafond blanc. Blanc. C'est tout. Rien d'autre. Seulement du blanc. D'ailleurs, la seule chose qui m'a fait savoir que cette surface blanche est un plafond et non le paradis, c'est le carré de lumière qui y est intégré, juste au dessus de moi. Néon qui m'éblouit, qui me fait très mal aux yeux. Je détourne donc mon regard, et je découvre mon environnement : à gauche, une énorme machine, qui émet un « Bip. » presque toutes les secondes ; une fenêtre aux rideaux fermés juste derrière ; à droite, une toute petite table, avec absolument rien dessus ; devant moi, pas très loin, un mur blanc, aussi blanc que le plafond. Sur la droite, sur le mur, un peu au fond, une porte en bois clair, avec une petite fenêtre floutée au milieu. Je suis allongée dans un lit, blanc, avec des draps, blancs, et une blouse, blanche. Je vois sur ma poitrine quelques mèches de mes cheveux bruns, un peu éparpillés, qui tombent sur le côté. Je regarde mes mains, mais je ne bouge pas.
J'attends. J'observe indéfiniment toutes ces choses qui m'entourent, ou plutôt tout ce vide qui m'entoure. Je regarde encore et encore tous ces éléments si dénués de vie, tous ces éléments vide en eux-mêmes, le plafond, la lumière, la machine, la fenêtre, la mini-table, les murs, la porte, mon lit, mes cheveux, mes bras. Je regarde tout cela, sans m'en lasser, avec une concentration extrême, sans penser à rien d'autre, comme si c'était les seules choses qui comptaient pour moi, comme si je devais m'y raccrocher, comme si fermer les yeux était interdit, ou dangereux. Comme si c'était les seules choses que je connaissais dans ce monde et que je ne voulais pas les perdre.
La porte s'ouvre, il entre.
Wendy. C'est mon prénom. C'est ce que me dit le médecin. Il me dit aussi que j'ai 15 ans. Et queje suis amnésique. Que c'est pour cela qu'hier je n'avais pu répondre à aucune des questions qu'il m'a posé. Je ne me souviens pas de l'avoir vu hier. J'ai l'impression d'être née aujourd'hui, que c'est la première fois que je le rencontre. Il ne m'a donc pas dit son nom, car il me l'a probablement déjà dit hier. Son badge est retourné sur son torse, je ne vois que le logo de l’hôpital (c'est d'ailleurs pour cela que je sais que je suis à l’hôpital), et pas son identité . Il me parle comme s'il m’annonçait que quelqu'un de ma famille était mort, ou que j'avais un cancer et que j'allais en mourir. Mais je ne me souviens de rien, je ne suis pas triste. Comment être triste, alors que je ne connais pas ma vie ? Je ne sais pas qui je suis, je ne connais pas mes proches, je ne sais même pas si j'en ai, je suis peut être orpheline, alors comment être triste pour des choses et des personnes que j'ai l'impression de n'avoir jamais connue ? Le garçon que j'entends pleurer derrière la porte, lui, il est triste. C'est peut être juste un enfant perdu qui cherche sa maman, ou un proche à moi. Mon petit copain, mon frère, mon cousin, un ami, je n'en sais rien. Il a l'air d'avoir mon âge, ou aux alentours de mon âge. Le médecin ne parle pas de lui, pas pour l'instant, même s'il va bien être obligé, car on l'entend vraiment beaucoup et je vais finir par lui demander, quand il aura fini de parler et qu'il me dira « Tu as des questions ? »
Il me parle pendant très longtemps. On discute, on parle beaucoup. Je suis dépourvue de toute émotion, alors que lui à l'air vraiment triste, comme si c'était lui mon père, et ça me déstabilise un peu, mais pas assez pour que ça se voit. Il sort quelques instants, en s’excusant, et lorsqu'il rentre à nouveau, je n'entends plus le garçon. Il a sûrement retrouvé sa mère.
Je m'appelle Wendy, j'ai 15 ans, et j'ai oublié toute ma vie. Je ne me souviens de rien. Il n'y a plus rien. Je ne sais pas qui je suis, ni ce que je ferais une fois sortie de cet endroit. Je dois tout reconstruire.